Quand l’absinthe tourne en dérision les suffragettes
Le terme de suffragettes apparaît en 1903 en Grande-Bretagne pour désigner les militantes d'un mouvement nouveau, l'Union politique et sociale des femmes, fondé à Manchester. Les militantes qui revendiquaient le droit de vote et qui menaient des actions provocatrices spectaculaires auront gain de cause en 1918 mais en obtenant le droit de vote seulement à partir de l'âge de 30 ans. Dix ans plus tard, elles pourront voter comme les hommes lorsqu'elles auront 21 ans.
Dès 1848, en France, des clubs de femmes se forment avec pour ambition d’obtenir le droit de vote aux élections législatives ou du moins municipales. Mais rien ne bouge.
Le Club des femmes. "...çon, un verre d'absinthe et ma pipe !" Dessin de Lafosse paru dans Le Polichinelle, 1874. Coll. Delahaye.
En 1876, Hubertine Auclert fonde Le Droit des femmes, qui soutient le droit de vote des femmes. En 1880, La Société de l’Union des Femmes sera l’un des clubs les plus actifs. Les femmes s’y retrouvaient pour parler de leurs revendications sociales et émettre également des idées sur l’éducation, le mariage, sans oublier l’importante préoccupation de l’époque qu’était le problème de l’alcoolisme.
Les caricaturistes vont se moquer de ces femmes qui revendiquent l’extension de leurs droits dans la société en réclamant le droit d’exercer une activité sociale, économique et politique. Ils en feront des femmes accoutrées de façon excentrique, fumant et buvant de l’absinthe.
Les suffragettes. "Nous voulons voter, être les égales des hommes... Une voix dans la salle - Eh ma tante si t'en avais tu serais mon oncle !!!" Carte postale.
Hubertine Auclert pensait que le droit de vote pour les femmes est le préalable à tout progrès social. Leur vote permettrait d'entreprendre de grandes réformes sociales et de garantir la paix. Cette conception devait profondément marquer le féminisme français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. N’étant pas relayée par les politiciens de l'époque Hubertine décida de recourir aux méthodes des suffragettes anglaises qui choquaient l'opinion publique en défilant dans les rues en brandissant des pancartes qui disaient vouloir "supprimer les taudis" et "combattre l'alcoolisme".
Dans les années 1930, de nouvelles militantes en faveur de l'émancipation politique des femmes apparurent, telle Louise Weiss, fondatrice de l'association "La Femme Nouvelle", qui militait pour l'égalité des droits civiques entre français et françaises.
C'est finalement le général de Gaulle qui octroie par ordonnance dans le cadre du gouvernement provisoire d'Alger, le droit de vote au "femmes françaises", le 21 avril 1944. Un siècle s'était écoulé après l'instauration du suffrage universel masculin, en 1848 !
Voilà qui mérite bien une petite absinthe !