Le sirop de grenouilles du professeur Lancereaux

Dès 1870, la Fée verte commença à avoir mauvaise réputation et à être tenue responsable de la plupart des maux. La question de la toxicité de l'absinthe souleva celle de toutes les boissons dites à essences. Le consommateur avait en effet le choix, outre l'absinthe, entre diverses liqueurs contenant en plus ou moins grande quantité des huiles essentielles de plantes. Suite aux questions soulevées, l'Académie de médecine créa en 1902 une Commission de l'alcoolisme composée de 7 membres dont faisait parti le docteur Lancereaux.

Étienne Lancereaux est né dans les Ardennes en 1829. Docteur en médecine en 1862, il occupa différents postes avant de se faire connaître comme médecin à l'Hôtel-Dieu. Il y faisait des cliniques suivies et appréciées par de nombreux élèves. Son travail essentiel se rapportait surtout à des recherches d'anatomie pathologique notamment sur la syphilis et les lésions du foie dues à l'intoxication alcoolique notamment par le vin et le madère. Agrégé en 1872, il entre à l'Académie de Médecine en 1877 dans la section d'anatomie pathologique. Il y sera nommé président en 1903. (source Revue Chanteclair 1908).

Portrait du Dr Lancereaux paru dans la revue Chanteclair de janvier 1908.

La revue Chanteclair, mensuel édité de 1906 à 1934 par les laboratoires Carnine Lefrancq, proposait des articles culturels, artistiques, littéraires, de voyage et de société sans oublier l'auto-promotion de son produit phare "la Carnine Lefrancq, suc de chair musculaire de bœuf crue". Ce journal illustré était destiné exclusivement au corps médical.

En-tête du journal. Coll. J.-P. Louvet.

On trouvait également dans chaque numéro, la biographie d'une figure du monde médical de l'époque accompagnée d'une caricature souvent grinçante en  pleine page couleur. Tel le portrait-charge du Professeur Lancereaux par le caricaturiste Hector Moloch dit B. Moloch, (1849-1909).

"L'étude faite par le Professeur Lancereaux des lésions anatomiques causées par l'alcool, a eu un grand retentissement et a certainement multiplié le nombre de buveurs ... de sirop de grenouilles. M. Lancereaux symbolise un peu, aux yeux des producteurs de vin, de bière, de cidre, d'alcool et d'absinthe, le corps médical tout entier, auquel ils gardent quelque rancune, que l'éminent caricaturiste n'a du reste pas manqué d'exprimer."

Portrait-charge du professeur Lancereaux par Moloch, faisant la promotion du sirop de grenouilles. Coll. J.-P. Louvet.