François Guy passe la main

Qui ne connaît pas François Guy, quatrième génération de distillateurs de Pontarlier ! Pour tous, la cinquième génération était en route avec le fils aîné Pierre qui travaillait et apprenait toutes les ficelles du métier avec son père depuis plusieurs années. Eh bien non, il n'y aura pas de cinquième génération. La distillerie Guy est vendue. François va prendre une retraite bien méritée tandis que Pierre s'oriente désormais vers un autre secteur.

La nouvelle est tombée cet après-midi, laissant tous les aficionados de l'absinthe dans l'incrédulité et pour certains, la sidération. Pour maintenir la "réputation de la distillerie"  et pour s’assurer que "le Pont reste le Pont", ils affirment qu’ils seront là pour assurer la transmission et le savoir-faire de l’entreprise. C'est François-Laurent Vitrac fort d’une expérience de plus de 20 ans dans les spiritueux, en France comme à l’étranger qui prend la succession. Sa devise :  "Il est urgent de ne rien changer !"

François et Pierre Guy arborant le diplôme du Prix de l'Excellence qui leur a été remis en 2019 dans les Salons du Ministère de l'Agriculture.

L'histoire de la distillerie Guy a commencé avec Armand qui acheta un terrain rue des Lavaux en 1889. Pour financer les travaux, il ouvre un bistro dans la cour pour les militaires du camp des Pareuses installé à proximité. D'abord associé à Florentin Cousin qui apportait des fonds, Armand deviendra seul propriétaire de la distillerie en 1906.

Pochoir en cuivre. Coll. privée.

En 1922, Armand Guy lance le Pontarlier-Anis. Cet apéritif anisé issu de la distillation de plantes sera jusqu'à aujourd'hui le produit phare de la distillerie.

L'aigle est devenu l'emblème de la distillerie. Coll. Delahaye.

Georges qui travaillait avec son père Armand depuis plusieurs années va diriger seul la distillerie à partir de 1948. Il donnera une forte impulsion au Pontarlier-Anis. À sa mort, son fils Pierre reprend les rênes de la distillerie. Il continue d'asseoir la réputation de l'entreprise avec le Pontarlier-Anis tout en développant liqueurs et sirops.

Pot à eau.

Et enfin, ce fut le tour de François de poursuivre l'œuvre de ses ancêtres. Il n'a eu de cesse de retourner aux fondamentaux et son rêve de pouvoir distiller l'absinthe comme son arrière grand-père Armand l'a conduit à multiplier les démarches auprès des administrations. Finalement, François Guy obtient les autorisations nécessaires en 2001. Un demi-hectare d'absinthe sera planté près de Pontarlier et à l'automne sort sa première bouteille de spiritueux aux plantes d'absinthe.

En 2007, la distillerie sera reconnue Entreprise du Patrimoine Vivant.

François Guy devant les alambics de son arrière grand-père en 2007. Ph. Delahaye.

Carte postale.

Pendant plusieurs années, François m'a hébergée dans l'appartement au-dessus de la distillerie au moment des Absinthiades. J'aimais me retrouver en ces murs chargés d'anecdotes de la vie de cette dynastie de distillateurs. J'adorais le matin être réveillée par le va-et-vient des employés affairés à leur besogne, le cliquetis des bouteilles et l'odeur d'anis qui montait de la distillerie.

Cette séparation d'avec la distillerie dans laquelle il a vécu et travaillé doit être un arrache-cœur pour François. Dans une certaine mesure, il l'est pour moi aussi à cet instant où remontent tant de souvenirs.

Affiche publicitaire, 2007. Coll. Delahaye.

Voir l'histoire de la dynastie Guy dans mon Dictionnaire des marques, tome 4 : GHIJ, pages 122 à 149, 2009.

Voir aussi le livre de Pierre Dornier et Philippe del Fiol : Pontarlier-Anis, Un siècle d'histoire de la distillerie Guy. Éditions du Belvédère, 2014.