Santiago de Cuba
Mercredi 8 janvier 2020. Après 9h45 de vol, nous voici à Santiago de Cuba. Il fait chaud mais la chaleur n’est pas étouffante, rafraîchie par les alizés.
Le lendemain matin devant notre hôtel Las Americas, des écoliers attendent leur bus. Ils portent l’uniforme réglementaire de leur école. Quand le bus arrive, on est un peu surpris. Il s’agit d’un véhicule des années 1930, sorte de bétaillère où s’entassent les élèves.
Notre car de tourisme est beaucoup plus confortable. Que ce soit dans les hôtels ou les restaurants, les touristes sont bien traités. Le tourisme est pour le pays un apport de devises non négligeable. Il y a d’ailleurs deux monnaies : le CUP ou peso cubain qui vaut environ 4 centimes d'euros et pour les touristes le CUC ou peso convertible qui vaut 0,90€, soit 25 fois plus. Le CUC est utilisé par les cubains pour les biens de consommation les plus chers.
Pour nous rendre au centre ville, nous prenons l’Avenue de la Liberté appelée aussi Avenue des Martyrs. Des statues consacrées aux héros de la Révolution sont disposées tout au long de cette belle avenue ombragée.
Notre guide en profite pour nous expliquer l’histoire mouvementée du pays indispensable pour comprendre Cuba aujourd’hui.
Santiago de Cuba est la deuxième ville du pays après La Havane. Elle a été fondée par les Espagnols en 1515 et son architecture, tout comme celle des autres villes, témoigne de ce passé colonial.
C’est le 12 octobre 1452 que Christophe Colomb accoste dans une île qu’il baptise San Salvador. Le 28, il aborde sur une autre île à laquelle il donne le nom de Juana mais la postérité gardera le nom indigène de Cuba.
Les indiens occupant l’île seront réduits en esclavage et contraints de travailler dans les rares mines d’or. Au nom des souverains d’Espagne, une impitoyable conquête se poursuit de Cuba au Mexique avec Cortés.
Dans l’île de Cuba, la population estimée à 100 000 indiens en 1512 avait chuté à 40 000 en 1540. Trente ans plus tard, ils avaient quasiment disparus.
Pour pallier ce manque de main d’œuvre, des esclaves sont importés d’Afrique par tribus entières amenant avec elles leur culture, musique, rites et croyances. Ils contribuent à développer les cultures de canne à sucre et de tabac. Un million d’esclaves noirs furent ainsi implantés à Cuba en 400 ans de colonisation.
Nous visitons la maison la plus ancienne de Cuba, celle de Diego Velasquez de Cuellar, conquistador espagnol fondateur de La Havane en 1514 puis de Santiago en 1515. Il sera le premier gouverneur de Cuba de 1511 jusqu'à sa mort en 1524. Sa maison abrite aujourd’hui le Museo de ambiente historico ou Musée de l’art colonial dont les collections montrent de façon chronologique le mobilier du XVIIe au XIXe siècles permettant ainsi de suivre l'évolution d'un style espagnol vers un style spécifiquement cubain.
Four en briques réfractaires où était fondu l’or en provenance du Mexique. Les lingots d’or étaient ensuite transportés vers l’Espagne. Ph. Delahaye.
En 1791, les esclaves noirs d’Haïti se révoltent sous l’impulsion de Toussaint Louverture qui fut incarcéré près de Pontarlier dans le Doubs, dans la forteresse de Joux, où il mourut. Cette révolte entraîna un exode des planteurs français vers Cuba. Ils s’établissent autour de Santiago et de Guantanamo, apportant avec eux leur richesse, leur savoir-faire et leurs esclaves. C’est l’époque de l’essor de la culture de la canne à sucre. L’île devient la plus riche des colonies espagnoles.
En 1868, depuis son domaine sucrier, Carlos Manuel de Céspedes libère ses esclaves et forme une armée pour engager une guerre d’indépendance contre les Espagnols. Elle durera dix ans. Céspedes meurt au combat en 1874 en s’élançant seul contre 300 espagnols. Pour les cubains c’est le Père de la Patrie.
Suite à cette guerre, le peuple cubain obtient en 1878 un pacte qui lui donne une certaine autonomie, l’abolition de l’esclavage en 1880, mise en pratique en1886, et l’égalité des droits entre les Blancs et les Noirs, proclamée en 1893. Le pacte a aussi des répercussions politiques puisqu’il engendre l’apparition des premiers partis politiques.
Les partis politiques commencent à se former vers la fin du XIXe siècle. José Marti, le penseur de l’indépendantisme cubain et Antonio Maceo, le bras armé combattant, réalisent une union de leurs forces et une seconde guerre d’indépendance commence le 24 février 1895.
Combattant acharné, fin stratège, Antonio Maceo fut surnommé le « Titan de bronze » en référence à son habileté au combat, mais aussi à sa couleur de peau. Métisse, Maceo était un partisan farouche de l’abolition de l’esclavage. Maceo est à cheval, le bras levé, et entouré de 23 machettes représentant l’indépendantisme cubain.
Les États-Unis, voyant leurs intérêts économiques et stratégiques, refusent de reconnaître les forces indépendantistes. Le 24 janvier 1898, Théodore Roosevelt envoie un cuirassé à La Havane pour protéger les ressortissants américains. Le 15 février, une mystérieuse explosion envoie par le fond le navire et 266 hommes d’équipage. La guerre est déclarée à L’Espagne supposée être à l’origine de l’explosion. Elle se rend le 17 juillet 1898 et cède aux Etats-Unis, par le traité de Paris, les Philippines, Porto-Rico et Cuba.
De 1902 à 1958, Cuba peut être considérée comme une semi-colonie américaine vouée totalement à la culture de la canne à sucre. Différents traités commerciaux assurent aux USA le contrôle du marché cubain.
Batista, chef colonel de l’armée cubaine est nommé président de 1940 à 1944. En mars 1952, il renverse par un coup d’état militaire le gouvernement de tendance progressiste et prend le contrôle de l’île, soutenu par les américains. Il s’ensuit une dictature brutale et corrompue. Cuba est alors aux mains de 450 riches familles cubaines et des américains. La Havane est un lieu touristique très prisé par ces derniers pour ses nombreux cabarets et bordels où la mafia est présente.
Fidel Castro prend la tête d’une armée rebelle en 1956 et renverse Batista le 1er janvier 1959. Les Etats-Unis est la première nation à reconnaître diplomatiquement le nouveau gouvernement. Les rapports entre les deux pays se gâtent dès le mois de mai de la même année suite à la nationalisation des avoirs étrangers.
Télévision dans la rue avec Fidel Castro faisant un de ses interminables discours. Certains pouvaient durer 8 heures ! Ph. Delahaye.
Le Cimetière de Santa Ifigenia a été créé en 1868 pour inhumer les victimes de la guerre d’indépendance et d’une épidémie de fièvre jaune qui a frappé le pays dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Le cimetière a été classé monument national en 1979.
Le cimetière compte aujourd’hui environ 8000 tombes dont les sépultures de nombreux cubains célèbres dont Carlos Manuel Céspedes, le Père de la Patrie et José Marti. Des gardes, relevés toutes les demi-heures veillent en permanence sur la tombe de ce dernier.
Fidel Castro, mort à La Havane en 2016, a tenu à être enterré à Santiago, la ville qui a vu le début de sa lutte d’indépendance.
J’ai également remarqué la tombe d’Emilio Bacardi Moreau (1844-1922) qui dirigeait la Société Bacardi Rum fondée par son père en 1862. Il avait été nommé maire de la ville par le gouvernement militaire américain de Santiago.
Cuba est toujours dans l'esprit de la Révolution. Les photos de Fidel Castro et de Che Guevarra sont sur les murs de toutes les bourgades ainsi que des phrases vantant la Révolution.
"Si vous trouvez une rue où n’est pas passé un seul héros… Vous pouvez dire alors que Santiago n’existe pas". Waldo Leyva. Ph. Delahaye.
À suivre : L'embargo le plus long de l'histoire