Prague, hier et aujourd'hui.
Ma première visite à Prague a été pour le Musée du communisme. Cela peut paraître saugrenu alors qu’il y a tant de belles choses à voir dans cette ville mais j’étais très intriguée par le fait qu’il y ait un tel musée et curieuse de voir ce qu’il contenait.
Il y a une raison à cela. J’ai encore en mémoire, comme si c’était hier, ma première visite à Prague. C’était en 1970. J’accompagnais mon mari à un congrès international de génétique qui avait lieu dans cette capitale de la Tchécoslovaquie. Je voulais donc voir si le musée relatait bien la réalité que j’avais vécue.
Dès l'entrée, en haut d'un escalier, le ton est donné sur ce qu'a été le communisme : Rêve, Réalité, Cauchemar. Ph. Delahaye.
Au tout début de la visite, des panneaux expliquent clairement l’histoire de cette nation.
Les tchèques vivaient principalement en Bohème depuis le VIe siècle. En 1526, sont élus les premiers dirigeants issus de la famille des Habsbourg. Progressivement, le Royaume de Bohème sera intégré à la monarchie des Habsbourg aux côtés de l’Archiduché d’Autriche et du Royaume de Hongrie. Cet empire composé de plusieurs nations éclatera au lendemain de la Première guerre mondiale avec la chute de la monarchie des Habsbourg.
Ainsi est créée la Tchécoslovaquie le 28 octobre 1918, entérinée par le traité de Saint-Germain-en-Laye. Prague devient sa capitale. Elle réunissait les États actuels de République tchèque et de Slovaquie de l’ancien Empire austro-hongrois (1867-1918). La République tchèque étant elle-même constituée de la Bohème et de la Moravie.
En 1938 : Hitler exige le rattachement au Reich des régions peuplées de plus de 50 % d’Allemands.
En 1939, les troupes allemandes envahissent la Bohème et la Moravie. La Slovaquie devient un satellite de l’Allemagne nazie.
Le 9 mai 1945, les troupes soviétiques entrent dans Prague accueillies en libérateurs. Outre les morts, les arrestations et les déportations ont littéralement décimé les élites politiques, économiques et intellectuelles du pays. La communauté juive notamment a quasiment disparue.
Tableau illustrant la libération de Prague par les troupes soviétiques en 1945. Coll. Musée du communisme. Ph. Delahaye.
La liesse sera de courte durée car en 1948, lors du « Coup de Prague », les communistes imposent leur dictature et la Tchécoslovaquie se retrouve derrière le « Rideau de fer ».
Affiche de propagande montrant Staline promouvant la création des usines. Coll. Musée du communisme. Ph. Delahaye.
Une statue gigantesque de Staline est érigée à Prague en 1955. Elle sera détruite en 1962.
En 1968, lors du « Printemps de Prague », le parti communiste dirigé par Alexander Dubček tente de s'orienter vers un « socialisme à visage humain ». Mais l'intervention soviétique dans la nuit du 20 au 21 août, met un terme à cet essai de changement novateur. Les troupes du « Pacte de Varsovie » qui regroupe les armées de quatre pays, Union soviétique, Bulgarie, Pologne, Hongrie envahissent le pays, la très grande majorité des forces d'invasion étant russes. Il s’ensuivit la signature du « Protocole de Moscou » qui demandait la suppression des groupes d'opposition, le total rétablissement de la censure et la mise à l'écart des cadres ouvertement réformistes.
Les chars à Prague en 1968. Place Venceslas avec la statue équestre de Venceslas. Derrière, le Musée national. Ph. Sébastien-Philippe Laurens.
C’est le 16 janvier 1969 que Jan Palach, étudiant en lettres de 20 ans, s’immola par le feu en plein après-midi sur la place Venceslas pour protester contre la domination russe et le manque de liberté. Il sera imité la même année, en février et en avril, par deux autres étudiants. Cet événement relayé par toutes les radios nous avait à l'époque beaucoup choqué.
Affichette rappelant que tandis que l'américain Neil Amstrong devenait le premier homme sur la lune, à Prague Jan Palach s'immolait par le feu pour protester contre l'occupation soviétique. Coll. Musée du communisme.
Portrait de Jan Palach sur le mur de l'ancien hôpital où il mourut trois jours après s'être immolé. Rue Legerova. Ph. Delahaye.
Un petit memorial est installé à l'ombre d'un buisson devant la statue de Venceslas, à l'endroit où Jan s'est immolé. Ph. Delahaye.
C’est dans cette ambiance, qu’en août 1970, nous voilà partis en voiture pour la Tchécoslovaquie. Après avoir visité quelques belles villes d’Allemagne et d’Autriche comme Munich et Salzbourg, nous voici arrivés à la frontière séparant l’Autriche de la Tchécoslovaquie. Le choc fut à la hauteur de la surprise. Le « Rideau de fer » n’était pas une entité. On le voyait. On y était.
Après avoir franchi une première rangée de barbelés qui cernait tout le pays et traversé un no man's land, nous sommes arrivés sur une deuxième rangée de barbelés ponctuée de miradors sur lesquels des hommes armés scrutaient les allées et venues de chacun. Cette fois, nous étions à la frontière Tchécoslovaque.
On nous fait descendre de voiture. Des militaires tenant des chiens en laisse nous entourent et nous posent de multiples questions. Il faut justifier de notre venue. Pendant ce temps, la voiture est fouillée. Les bagages aussi. Les deux magazines emportés sont pris.
Au bout d’un moment, on peut repartir. Sur la route, peu de voitures. Surtout des camions militaires. Bien que roulant prudemment, on se fera arrêter plusieurs fois. Passeports. On nous signifie qu’on était en excès de vitesse, ce qui est faux. Mon mari cherche à discuter, peine perdue. Pour récupérer les passeports on doit s’acquitter d’une amende... en dollars !
Enfin Prague. Là aussi, très peu de voitures. Les gens sont mal habillés, de couleurs sombres. Ils paraissent tristes. Tout semble triste. Il y a peu de boutiques. Avec de toutes petites vitrines pratiquement vides. Quelques-unes vendent du cristal de Bohème.
Tablettes de chocolat vendues exclusivement, ainsi que beaucoup d'autres denrées, dans les magasins Tuzex où tout se paye très cher en dollars. Musée du communisme.
L’hôtel est à l’image du reste. Mes souvenirs rejoignent exactement ce que je vois dans le musée. Une chambre banale sans confort avec sur une table quelconque un poste de radio. Une seule fréquence qui diffuse de la musique militaire et de la propagande.
La visite de la ville est affligeante. Tout le centre historique dont on devine la splendeur passée, est dans un état lamentable. Les immeubles dégradés montrent tous les séquelles de la guerre suivie par 25 ans de communisme.
Après le congrès où nous avons été bien reçus par la communauté scientifique Tchécoslovaque heureuse de recevoir des étrangers, nous sommes passés par Brno, petite ville située un peu plus à l’est, en direction de l’Autriche. C’est à Brno que l'abbé Mendel qui cultivait les pois dans son jardin élabora, grâce à leur observation, les bases de la transmission génétique. Aujourd’hui, l’université de Brno porte son nom et un musée a été créé en 2002.
Le passage de la frontière pour rejoindre l’Autriche s’avéra plus compliqué qu’à l’aller. Les passeports sont pris, de nombreuses questions nous sont posées et la voiture fouillée de fond en comble. La banquette arrière est retirée pour le cas on l’on aurait caché quelqu’un pour lui faire passer la frontière.
Finalement, on peut passer. La nuit est tombée lorsqu’on arrive à Vienne. Et là, c’est une explosion de lumière. Les rues, les magasins aux larges vitrines regorgeant de marchandises, tout est éclairé. Le contraste est saisissant. Je redécouvre cette opulence oubliée pendant une semaine et je ressens vraiment le sens du mot Liberté.
Le pays retrouve sa liberté en 1989 grâce à la « Révolution de velours » et porte à sa tête le dramaturge Vaclav Havel. En 1993, la scission entre la Tchéquie et la Slovaquie se fait à l’amiable. C’est le « Divorce de velours ».
Aujourd’hui, la Tchéquie a retrouvé ses couleurs. Prague a été entièrement restaurée. Seuls quelques rares immeubles sont encore en cours de restauration.
Dans cette ville très touristique où toutes les nationalités se côtoient, les boutiques sont innombrables ainsi que les restaurants et les cafés. II fait bon flâner dans ses quartiers chargés d’histoire.
Ce Musée du communisme permet de garder la mémoire d'une époque que personne n'a envie de revivre.
À Prague, il y a également le musée du KGB. Mais là, j'ai fait l'impasse !
À suivre : http://absinthemuseum.auvers.over-blog.com/2019/11/a-la-decouverte-de-l-art-nouveau.html
Pour découvrir Prague depuis le début :
http://absinthemuseum.auvers.over-blog.com/2019/08/une-semaine-a-prague.html