Wagner et Liszt à Bayreuth
En quittant Iéna, j'abandonne l'idée d'aller jusqu'à Dresde puis de descendre sur Prague. Je décide de laisser pour une autre fois la République Tchèque, le souvenir de Mucha et ses merveilles d'Art Nouveau. J'opte pour Bayreuth où m'attendent Richard Wagner et Franz Liszt.
Richard Wagner et Franz Liszt.
Située dans une région boisée, Bayreuth est une ville incontournable pour les amoureux des arts et de la culture. Véritable capitale allemande de la musique classique, son festival Richard-Wagner est l'un des plus prestigieux d'Europe et attire tous les ans 60 000 amateurs d'opéra.
Belle maison bourgeoise transformée en hôtel à l'entrée de Bayreuth. Ph. Delahaye.
Les historiens pensent que la ville a été fondée vers le milieu du XIIe siècle. La grande époque de Bayreuth débute en 1735 avec le mariage de la princesse prussienne Wilhelmine, sœur de Frédéric le Grand, avec le margrave de la principauté de Bayreuth, Frédéric III. Très imprégnée de culture française, cette amie de Voltaire invita les meilleurs artistes, poètes, compositeurs et architectes à la cour. Bayreuth sera la résidence des margraves de la principauté de Brandebourg-Bayreuth de 1604 à 1769.
Le titre de margrave, dont l'équivalent français est marquis, a été créé par Charlemagne pour ses chefs militaires des marches frontières. Le titre a ensuite été gardé par certains princes du Saint-Empire romain germanique.
D'abord province prussienne qui sera occupée par les français de 1806 à 1810, Bayreuth fait partie de la Bavière depuis cette date.
Ph. Delahaye.
La promenade dans les petites rues est très agréable. La basilique de style gothique tardif avec trois nefs et deux tours est le plus vieux bâtiment de la ville. On le date de 1439 pour sa forme actuelle.
Petites rues et vue sur la Basilique. Ph. Delahaye.
Arrivée à Bayreuth en fin d'après-midi, en plein festival Wagner, impossible de trouver un hôtel. Quand, dans une petite rue je tombe sur un restaurant français : le Miamiam Glouglou ! Le patron va me trouver un hôtel à Bamberg à 75 km de là. C'est la seule fois où ma route croisera celle de français.
Restaurant français. Ph. Delahaye.
Rassurée je peux me promener tranquillement dans cette belle ville qui depuis plus de 10 ans restaure et développe ses sites les plus précieux.
En plein centre historique de la ville la Spitalkirche (église de l'hôpital) a été construite en 1747 sur une ancienne église du XIIe siècle. Cette église évangélique luthérienne est adjacente à l'ancien hôpital qui abrite aujourd'hui des appartements et les archives de la ville.
La Spitalkirche. Ph. Delahaye.
Le Musée historique propose dans ses 34 salles des informations sur la vie et l’histoire des margraves, le quotidien des habitants de la ville, le développement économique et politique de la ville et de la région.
Le musée historique. Ph. Delahaye.
En suivant la principale artère commerçante, la Maximilianstrasse, je me retrouve devant le Vieux Château (Altes Schloss). Construit en 1455 il a été de 1603 à 1753 la résidence des margraves de Brandebourg-Bayreuth, Frédéric et Wilhelmine. À cette époque, de nouveaux bâtiments ont été construits autour de la cour centrale avec une uniformité de couleurs : blanc, rouge et jaune ocre.
Au fond de la cour centrale, la statue équestre de Maximilian. Ph. Delahaye.
L'église du château de 1758 était à l'origine protestante. Après la vente de la ville au royaume de Bavière elle devint en 1812 une paroisse catholique. Dans la crypte, repose les margraves Friedrich III, Wilhelmine et leur fille.
Adjacente à l'église privée du château, la tour octogonale de près de 44 m de haut avec sa croix dorée est l’un des emblèmes de la ville. D'abord conçue pour servir de plate-forme à canon pour la défense de la ville et du château, elle devint en 1960 le clocher de l'église du château.
La tour octogonale et sa croix dorée. Ph. Delahaye.
Ce qui m'a tout de suite frappée en arrivant devant ce vieux château, ce sont les innombrables médaillons de bustes en relief. Je me suis retrouvée quelques mois en arrière, lors d'un voyage inoubliable à Bologne où le Palais Bolognini possède la même curiosité.
Ph. Delahaye.
Quelques-uns des innombrables médaillons qui ornent les façades du vieux château. Ph. Delahaye.
Lorsque les soldats américains entrèrent dans Bayreuth le 14 avril 1945, les SS se sont empressés de brûler des documents compromettants. Le feu s'est propagé à l'ensemble du bâtiment puis aux maisons alentours. Une reconstruction a été entreprise en 1950. Depuis octobre 1975, le château est le siège de l'administration fiscale.
Un peu plus loin sur cette même Maximilianstrasse, le Château Neuf avec son vaste jardin (Hofgarten) a été construit par la princesse Wilhelmine en l'espace de deux ans. (1753-1754). Il abrite dans le plus pur style rococo une importante collection de porcelaines fabriquées à Bayreuth au XVIIIe siècle.
Le Château Neuf. Ph. Delahaye.
Fontaine devant le Château. Ph. Delahaye.
Le Hofgarten est un grand parc dans lequel coule un canal. Il fait bon se promener dans ses chemins bordés par de grands arbres.
Le Château Neuf vu du Hofgarten. Ph. Delahaye.
Le centre ville de Bayreuth est vraiment très agréable avec une large rue piétonne bordées d'anciennes maisons rénovées, des places avec de nombreux cafés et magasins qui invitent à la flânerie.
Ph. Delahaye.
De retour à Bayreuth le lendemain matin, je vais à la recherche de mes deux personnages illustres.
Richard Wagner (1813-1883) a été attiré par la renommée de l'opéra qu'avait fait construire la margravine Wilhemine. Il s'installe à Bayreuth en 1872 avec sa femme Cosima, la fille de Franz Liszt et de la comtesse d'Agoult.
La famille Wagner s'installe dans la Villa Wahnfried en 1874. Le buste de Louis II de Bavière est en bonne place devant la maison. Juste hommage puisque c'est lui qui finança pour Wagner qu'il adulait la construction de cette villa.
La Villa Wahnfried (littéralement Paix des illusions) avec le buste de Louis II. Ph. Delahaye.
La villa Wahnfried, située à l'extrémité nord du Hofgarten, sera occupée par la famille Wagner jusqu'en 1966. C'est là que Wagner achèvera ses opéras Le Crépuscule des Dieux et Parsifal.
En 1896, l'agrandissement de la famille rendit nécessaire la construction d'une maison adjacente qui porte le nom du fils, la maison Siegfried-Wagner qui se visite également. Cette maison servait à recevoir des amis dont Hitler qui deviendra à partir de 1930 un ami intime de Winifred Wagner, veuve de Siegfried. Déjà de son vivant, l'antisémitisme de Wagner fut critiqué par Nitzsche. Hitler et le IIIe Reich utilisèrent son œuvre comme instrument de propagande de leur idéologie nazie.
Suite à cette polémique historique, les œuvres de Wagner ne sont toujours pas inscrites dans le répertoire de l'Orchestre philharmonique d'Israël. Depuis quelques années cependant de nombreux israéliens pensent qu'il est possible d'apprécier le génie musical de Wagner sans que cela implique l'acceptation de ses idées politiques.
La salle à manger de la maison Siegfried. Ph. Delahaye.
Wagner est mort à Venise en février 1883. Son corps est rapatrié à Bayreuth et enterré dans le jardin de la maison Wahnfried. Sa femme Cosima de 24 ans sa cadette, décédée en 1930, le rejoindra dans sa tombe recouverte de lierre et sur laquelle il n'y a aucun nom. C'est peut-être la raison pour laquelle je ne l'ai pas trouvée bien qu'ayant arpenté le jardin dans tous les sens !
Arrière de la Villa dans le Hofgarten. Ph. Delahaye.
En 1973, Wolfang Wagner, un des petit-fils, fait don à la ville de la maison qui devient le Musée Richard-Wagner en 1976. Le musée accueille les archives nationales du compositeur.
Quelques vues de la maison de Richard Wagner. Ph. Delahaye.
Partition et lunettes du compositeur. Ph. Delahaye.
L'Opéra des Margraves constitue l'un des symboles de Bayreuth. Construit au XVIIIe siècle, il est dû à la margravine Wilhelmine et conçu par Bibiena un architecte de Bologne. (Tiens, tiens, Bologne... Voilà peut-être l'explication des têtes en médaillons du vieux château). L'opéra est classé depuis 2012 au patrimoine mondial de l'Unesco.
L'Opéra des Margraves. Ph. Delahaye.
Ce sublime théâtre est le seul exemple de théâtre de cour entièrement conservé. L'extérieur en pierre sert d'écrin à l'intérieur entièrement réalisé en bois sculptés, dorés et marbrés. Le bâtiment totalement rénové depuis 2017 est une splendeur d'art baroque dans lequel fut tourné le film Farinelli de Gérard Corbiau.
L'opéra vu depuis la scène.
La loge des Margraves Frédéric et Wilhemine. Ph. Delahaye.
Quelques détails. Ph. Delahaye.
Scène en trompe-l'œil pour donner l'illusion de profondeur. Ph. Delahaye.
Wagner trouva l'Opéra des Margraves trop petit et y dirigea un seul opéra. Pour le satisfaire, Louis II de Bavière finança en 1872 une nouvelle salle de concert, le Palais des Festivals (Festspielhaus) conçu par Wagner lui même, pour recevoir ses immenses décors. Le Festival d'opéra qu'il créa en 1876 est uniquement consacré à l'exécution de ses dix principaux opéras. Inutile d'espérer assister à une représentation car les inscriptions se font plusieurs années à l'avance. Certains ont attendu 11 ans avant d'obtenir une place !
C'est Wagner qui décida pour la première fois d'éteindre les lumières pendant la représentation pour plonger le public dans son univers fabuleux. Cette pratique fut par la suite reprise par les autres salles de concerts du monde.
Le Palais des Festivals. Ph. Wikipedia.
Franz Liszt vécut à Weimar où l'on peut visiter sa maison transformée en musée. Installé à Bayreuth non loin de son gendre Richard Wagner, il mourut dans sa maison le 31 juillet 1886, au lendemain d'avoir assisté à l'opéra Tristan et Iseult de ce dernier. Son enterrement à Bayreuth, donna lieu à de nombreuses protestations et demandes de rapatriement du corps, notamment à Weimar et Budapest.
La maison restée pratiquement telle que Liszt l'avait laissée a été transformée en musée. Véritable lieu de mémoire, elle recèle de nombreux souvenirs du célèbre pianiste virtuose et compositeur telles que lettres, photos dédicacées et témoigne de ses liens avec Richard Wagner.
La maison de Liszt. Ph. Delahaye.
En repartant sur Bamberg, je m'arrête à 6 km de Bayreuth à la résidence d'été des margraves Friedrich et Wilhelmine, l'Ermitage.
Dans un parc luxuriant dessiné à l'anglaise, unique dans sa conception parmi les jardins du XVIIIe siècle, Wilhelmine fit construire en 1736 un château avec deux galeries en hémicycle entourant un temple du soleil coiffé d'un Apollon doré. C'est là que Wilhelmine écrivit ses mémoires en français.
Vue du jardin de l'Ermitage. Ph Delahaye.
Le Palais de l'Ermitage avec son bassin. Ph. Delahaye.
Les murs du palais sont recouverts de pierres de couleur. Ph. Delahaye.
Le temple du soleil. Ph. Delahaye.
Il y a encore beaucoup de choses à voir à Bayreuth mais le soir tombe et je dois retourner à Bamberg pour la nuit. Le voyage touche bientôt à sa fin.
À suivre.
Pour faire le voyage depuis le début, cliquer sur : La Fée Absinthe sur les pas de quelques hommes illustres.