Napoléon Bonaparte et l'Absinthe
À défaut d'être un grand homme - n'oublions pas qu'il a mis l'Europe à feu et à sang et que Moscou a brûlé grâce à lui - Napoléon est un homme illustre. Je ne suis pas loin d'un de ses fameux faits d'armes, la bataille de Iéna où en 1806 il mit l'armée prussienne en déroute. Je suis curieuse de savoir s'il reste quelque chose de cette période dans la région.
Iéna (Jena en allemand) est à 24 km de Weimar, donc tout à côté. Avant d'y arriver, je suis frappée par l'étendue des plaines qui s'étendent devant moi, plus loin que le regard puisse porter et je pense à cette armée de grognards marchant sans relâche dans ces paysages.
En arrivant à Iéna, la vue est comme happée par une grande tour moderne qui tranche à côté des bâtiments anciens et qui se voit où que l'on soit. J'apprends qu'il s'agit d'un vestige de la RDA à la fois centre commercial, restaurants et bureaux. Dans cette ville de l'ex-Allemagne de l'Est fortement bombardée par les alliés, une réforme urbaine du centre ville fut entreprise en 1968. Le vieux centre historique et la grand place ont été rasés tandis que le chêne Carl Horn planté en 1816 a été abattu. C'est à la périphérie de cet espace dégagé qu'a été érigée la Tour de l'Université (Jentower), devenue depuis l'un des monuments symboles de la ville.
Depuis la réunification, tout le centre ville a été restauré à l'ancienne. Les petites rues sont très agréables et débouchent toujours sur de belles surprises.
La place du marché, devant l'hôtel de ville est vaste et ombragée avec une belle fontaine dédiée à Bismarck.
L'hôtel de ville est un bâtiment curieux. Il s'agit d'une maison jumelée de deux étages mentionnée pour la première fois en 1365. Si le rez-de-chaussée est réservé à des restaurants, l'étage supérieur est celui de la mairie. Son plafond décoré a été rénové plusieurs fois au cours des siècles, la dernière fois étant au début du XXe siècle. La tour baroque à huit pans, entre les toits, a été construite en 1755 et porte une horloge astronomique du XVe siècle.
Au fond de la place, face à la fontaine se trouve le musée municipal dans un bâtiment de style gothique.
Une petite rue aux jolies maisons conduit à l'église Saint-Michel, ancienne collégiale de cisterciennes, profondément remaniée au XVe siècle. Elle est remarquable par son portail à baldaquin et son clocher de 97 m. de haut.
L'université de Iéna s'imposa à la fin du XVIe siècle comme le centre de l'orthodoxie luthérienne. De 1706 à 1720, elle fut la plus grande université allemande. Friedrich Schiller y était professeur d'histoire et de philosophie et vécut à Iéna une dizaine d'années, de 1789 à 1799. Aujourd'hui, l'université porte son nom. C'est là qu'il se lia d'amitié avec Goethe qui vécut 5 ans à Iéna.
Iéna est une ville universitaire mais aussi industrielle. Au cours de ma visite, je découvre avec surprise que la ville a développé une importante industrie dans le domaine de la chimie et surtout de l'optique. La société Carl Zeiss me rappelle soudain mes années de recherche en biologie à l'université où spécialisée en microscopie optique et électronique, j'utilisais des appareils équipés de lentilles Zeiss.
Le planetarium Zeiss construit entre 1924 et 1926, en bordure du jardin botanique par la firme Zeiss, est le plus ancien au monde et le plus grand d'Allemagne. Ph. Delahaye.
Le musée de l'optique retrace 500 ans d'histoire de l'optique avec une importante collection de lunettes, microscopes, télescopes et appareils photographiques.
Mais je ne vois aucun vestige de Napoléon Bonaparte ! Je vais me renseigner au musée municipal et là on m'apprend qu'il existe un petit musée à quelques kilomètres de là. Effectivement, je suis les flèches et me voilà devant le gedenkstätte, c'est à dire le mémorial. Un peu étonnée malgré tout que l'on consacre un musée à la mémoire d'un envahisseur.
Le musée n'a qu'une seule pièce avec des vitrines, des cartes, des reconstitutions de bataille avec des figurines, des objets. Cela ressemble à un musée de collectionneur. Mais comme personne n'y parle français ou anglais, ma question est restée sans réponse.
Le visiteur est accueilli par un grand portrait de Napoléon. Puis un texte en français donne des indications sur la fameuse bataille de Iéna.
À la sortie du musée, un panneau et une flèche indiquent qu'il y a encore quelque chose à voir. Je m'embarque donc sur un chemin caillouteux sur plus de 2 km, en pleine campagne, ne sachant pas ce qu'il y a au bout.
J'arrive enfin en haut de la butte et je me trouve à l'endroit exact d'où Napoléon surveillait le déroulement de la bataille. Une stèle marque sa présence.
Assise sur un banc face au paysage, je ne pense pas à la victoire de Napoléon mais à tous ces hommes morts dans la souffrance pour l'ambition d'un seul. Et je bénis l'Europe d'aujourd'hui qui nous apporte paix et liberté.
En 2006, le bicentenaire de la bataille d'Iéna a été commémoré par une grande reconstitution historique en costumes. Que cette reconstitution ait eu lieu sur la terre des vaincus montre la capacité des hommes à accepter leur Histoire.
Pendant que la bataille d'Iéna faisait rage, un autre homme allait devenir illustre. C'était Henri-Louis Pernod qui installé à Pontarlier depuis un an, distillait tranquillement son absinthe !
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