Mémoire à Buchenwald
Après le romantisme à Weimar, la violence à Buchenwald.
Depuis Weimar, une petite départementale mène à une quinzaine de kilomètres de là au Mémorial du camp de concentration de Buchenwald. Un grand panneau sur la route principale qui va d'Erfurt à Weimar l'indiquait mais comme je ne parle pas allemand, je n'ai pas compris que cette petite route qui pénétrait dans les bois était celle qu'il fallait prendre. J'ai donc fait quelques allers-retours sur la route principale avant de finalement m'y engager.
La route qui s'enfonce à travers bois est goudronnée par endroits, pavée à d'autres. Je roule lentement sur plusieurs kilomètres quand je vois un panneau sur le bas-côté : la Route du Sang. Cette route d'accès au camp a été construite par les prisonniers de mai 1938 à fin novembre 1939. Longue de 5 km, elle faisait la jonction entre la route nationale de Weimar-Ramsla au camp de concentration.
Ligne ferroviaire construite par les prisonniers en 1943. Elle est parallèle à la Route du Sang. Elle a servi tout d'abord à l'approvisionnement des usines d'armement situées à côté du camp avant d'acheminer des prisonniers. Ph. Delahaye.
Le parking se trouve face à de grands bâtiments rénovés qui étaient les casernes des SS. Ils sont aujourd'hui occupés par le bureau d'information des visiteurs, cinéma, librairie et Centre international de rencontres de la jeunesse.
Au bureau de l'information on me donne un petit livret avec le plan du site et de nombreuses explications. On peut se promener seul où l'on veut jusqu'à la tombée de la nuit.
Le camp principal fut créé le 15 juillet 1937. Il était destiné à l’internement des opposants politiques au national-socialisme, des condamnés de droit commun, des individus désignés comme « asociaux », des homosexuels, des témoins de Jéhovah puis des Sintés (Manouches en français), des Roms et des Juifs.
Le 9 novembre 1938, suite à la Nuit de cristal et aux progroms, près de 10.000 Juifs seront déportés à Buchenwald. Peu après le début de la guerre, Buchenwald devient "le carrefour du système concentrationnaire national-socialiste, véritable point de convergence des déportations de masse en provenance des quatre coins de l’Europe". Au moment de la libération du camp, 95% des prisonniers n'étaient pas originaires du Reich allemand.
J'avance dans une allée et me retrouve devant une porte que je pousse et là c'est le choc. La porte d'entrée du camp avec son inscription Jedem das Seine (À chacun son dû) est la limite entre le domaine des SS et le camp des prisonniers.
Je suis à présent dans la zone des prisonniers. Cette fois l'émotion est là. Devant l'étendue désertique qui est devant moi, mon cœur se serre.
Il y a d'abord une grande place qui était la Place d'appel. Une plaque en acier est posée au sol avec les noms de plus des 50 pays d'où les déportés étaient originaires.
Les baraquements ont été rasés mais leurs emplacements sont clairement délimités. Je passe un long moment à lire les plaques commémoratives placées au sol à la mémoire des prisonniers du camp.
Les bâtiments qui servaient de lieu de stockage des vêtements et des biens personnels des déportés servent aujourd'hui à une exposition permanente sur l'histoire du camp de concentration.
Puis, se détachant sur le bleu du ciel, une cheminée. Celle du crématoire. Je m'approche du bâtiment, l'estomac noué. Je fais quelques photos mais ne vous montrerai pas celles de l'intérieur avec les fours, flambants neufs aujourd'hui mais évoquant malgré tout, tous les drames vécus.
Je suis un chemin et me retrouve dans le camp des SS limité de celui des prisonniers par une clôture de barbelés parcourue à l'époque par un fil électrique de 380 V de tension
Deux choses insolites m'intriguent dans cette zone réservée aux SS. Tout d'abord, une fosse aux ours ! Les SS avaient en effet un petit jardin zoologique avec des ours.
Deuxième curiosité : le chêne de Goethe.
Le site du camp avait été choisi sur la colline de l'Ettersberg près de Weimar, ville symbole des auteurs classiques de la culture allemande. Il paraît que Goethe venait souvent se promener sur cette colline et avait pour habitude de méditer et se reposer sous un chêne. Ce chêne fut épargné lors du déboisement pour la construction du camp.
Lors du bombardement allié de juillet 1944, des flammèches l'enflammèrent et il dû être coupé concrétisant ainsi la rumeur qui circulait parmi les déportés disant que l'Allemagne nazie disparaîtrait quand le chêne de Goethe serait abattu. La souche a été conservée.
Les américains furent atterrés par ce qu'ils découvrirent en entrant dans le camp. Le 16 avril 1945, le commandement américain a souhaité que la population et les notables de Weimar se rendent dans le camp, afin qu'ils puissent constater l'horrible réalité car Buchenwald n'était pas un camp retranché, tout le monde aux alentours connaissait son existence.
En juillet 1945, les troupes américaines se retirèrent de Thuringe laissant la place à l'Armée rouge. En août 1945, la force d'occupation soviétique transforme le camp principal de l'ancien camp de concentration en l'un de ses camps spéciaux : Le camp spécial (Speziallager) n°2. Il fut utilisé jusqu'en 1950 comme camp d'internement des nazis mais aussi d'opposants politiques au régime soviétique.
Un monument a été érigé en 1958, du temps de la RDA, à la mémoire des victimes du nazisme. Après la fin de la RDA en 1990, le Mémorial a fait l'objet d'une nouvelle conception et est à présent dédié au souvenir de tous les groupes de victimes.
On ne peut que se réjouir du travail de mémoire que font les allemands en entretenant ces anciens camps de concentration dans l'espoir que personne n'oublie jamais.
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