Une correspondance pour Charenton
Tous les passionnés de l’histoire de l’absinthe connaissent l’expression. Elle présente d’ailleurs des variantes : Un train direct ou un Omnibus pour Charenton, tout dépendait de la quantité ingérée qui vous menait plus ou moins vite à l’asile de cette bonne ville.
Cet ancien « asile de Charenton » est situé sur la commune de Saint-Maurice dans le Val-de-Marne qui s’est appelée Charenton Saint-Maurice jusqu’en 1843.
Fondé en 1641, divers documents attestent de la vocation de cet établissement à accueillir des malades mentaux dès 1660. L’établissement est dirigé par M. de Coulmiers qui n’a aucune formation en médecine. Il décide de tout, y compris du traitement des aliénés à sa charge et impose la méthode forte pour calmer les patients de l'hospice : bains d'eau glacée, camisoles de force, cages.
L’hôpital est reconstruit, au milieu du XIXe siècle, dans un style classique selon les conceptions de Jean-Étienne Esquirol qui dirige alors l'établissement. Il l’aménage de façon à pouvoir accueillir près de 300 malades.
Esquirol, médecin aliéniste, est considéré comme le père de l'organisation de la psychiatrie française en faisant voter la loi du 30 juin 1838 obligeant chaque département à se doter d'un hôpital spécialisé. Il a formé la majorité des aliénistes de son temps.
L’asile de Charenton a reçu des gens célèbres dont voici quelques noms :
Le Marquis de Sade y a été enfermé à deux reprises, en 1789 puis de 1803 jusqu'à sa mort en 1814.
Charles Meyron, peintre et graveur souffrait de dépression et de délire de persécution. Il a terminé sa vie à Charenton en 1868. Victor Hugo, les Goncourt et Charles Baudelaire étaient admiratifs de ses eaux-fortes.
André Gill, caricaturiste y mourut en 1885. Sa longue agonie fut d’autant plus cruelle qu’elle s’accompagna d’éclairs de lucidité. (Voir sa fiche bibliographique dans mon livre L’Absinthe, muse des poètes paru aux éditions du Musée de l’Absinthe en 2000 ou dans L'Absinthe-ses dessinateurs de presse, 2004).
Paul Verlaine y fit plusieurs séjours en 1887 et 1890. Son nom est d’ailleurs apposé sur un bâtiment.
Me promener aujourd'hui dans cet hôpital où la curiosité m'a poussée, par ce jour gris d'hiver, me fait penser à tous ceux qui, brisés par l'alcool et l'absinthe, ont atterris entre ces murs tristes.
Feuille d'internement pour alcoolisme pour Charenton, 1907. Une mise en garde contre l'alcool et l'absinthe est inscrite au bas de la feuille. Coll. Delahaye.
L’asile psychiatrique de Charenton a pris le nom d’Hôpital Esquirol en 1973. L’hôpital a fusionné en 2011 avec l’hôpital national de Saint-Maurice, mitoyen, pour former les hôpitaux de Saint-Maurice surtout spécialisés dans les soins de rééducation fonctionnelle. Une petite section psychiatrique y est toujours active.
La formule "Une correspondance pour Charenton" a fait l'objet d'un petit rébus que vous retrouverez en cliquant sur le lien :
http://absinthemuseum.auvers.over-blog.com/2014/09/rebus-a-l-absinthe.html