L’Absintherie des Cantons
Souvenez-vous de la Fée verte au masculin ! Ce jeune musicien venu spécialement du Québec et rencontré lors des Absinthiades de Pontarlier en 2014.
Intriguée par sa chevelure verte je lui avais posé quelques questions et avais finalement rédigé un petit article sur ce blog.
Il y a quelques semaines, Jean-Philippe Doyon m’a fait part de l’ouverture de son Absintherie des Cantons. On commence par lire Baudelaire et on finit avec une distillerie !
L'Absintherie des Cantons. Ph. Doyon.
Jean-Philippe avait toujours vaguement entendu parlé de l’absinthe à travers la littérature et la peinture. Mais il n’était pas sûr que cela soit une réalité car « dans les milieux artistiques, on croyait presque que c’était une légende inventée ». Mais quand il a entendu parler de la suppression de la prohibition en Europe, il a commencé à y croire. Il a dû attendre plusieurs années avant de goûter ses premières absinthes car il était impossible de s’en procurer en Amérique du Nord.
Tout d’abord « hypnotisé » par le trouble caractéristique de l’absinthe, il devient peu à peu obsédé par sa fabrication. Après de nombreuses lectures, il se fabrique un alambic avec une « une jarre à biscuit, un tuyau de douche et un bac à glace. Mes premiers essais furent catastrophiques. À l'époque je n'avais que 23 ans. Par la suite, je me suis procuré un petit alambic d'un litre en cuivre et j'ai commencé mes premiers vrais essais. Entre temps, j'avais fait poussé quelques plantes nécessaires à la fabrication ».
Depuis, Jean-Philippe s’est équipé d’un superbe alambic et a suivi une formation de distillateur au Québec avec un brasseur qui est également maître distillateur. Il travaille en collaboration avec des ingénieurs pour ce qui est de la maintenance de tous les équipements. Ph. Doyon.
Lorsque Jean-Philippe est venu à Pontarlier en 2014, il n’avait aucun plan de carrière dans la distillation. Il était « seulement passionné par la complexité de ce produit dont l'équilibre est si fragile et dont la conception est tellement artisanale qu’elle permet une véritable signature de celui qui le produit. C'est cette passion qui m'a mené sur la route de l'absinthe en Europe.
L'idée de faire de petites productions de qualité de façon amateur était toutefois bien présente chez moi et alimentait ma soif de connaissance, tant au niveau historique que sur le plan gustatif.
Je dois dire que mon voyage a contribué à mon désir d'en faire la production. J'étais cependant loin de m'imaginer toutes les contraintes en ce qui concerne la production de spiritueux et les coûts faramineux qui s'y rattachent ».
L'Absintherie des Cantons ( située dans les cantons de l'est au Québec ), est opérationnelle depuis 2016. Les plantes poussent à Roxton Pond à environ 15 minutes de la distillerie. Ph. Doyon.
Champ de grande absinthe. Ph. Doyon.
Ramassage et séchage de la grande absinthe. Ph. Doyon.
Pour ce qui est de la recette, « Nous n'utilisons que les ''plantes autorisées'' traditionnellement dans l'absinthe. Nos absinthes sont inspirées autant des recettes anciennes Françaises que Suisses. La coloration est 100 % naturelle et est faite à partir des plantes traditionnelles, soit : Mélisse, Armoise Pontique et Hysope ».
Ph. Doyon.
Jean-Philippe ajoute que « L'absinthe fascine énormément en Amérique. Il y a cependant beaucoup de croyances, de mythes et de stéréotypes à défaire. La consommation des spiritueux de niche et de provenance locale est en hausse principalement au Québec, plus que dans le reste du Canada ».
Mais Jean-Philippe ne peut pas vendre ses produits sur place en vertu de la loi québécoise sur les spiritueux - loi datant de la prohibition des années 20 - qui devrait cependant changer dans les prochains mois.
En attendant, ses produits sont en vente dans les SAQ ( Société des Alcools du Québec ).
L'absinthe de l'Absintherie des Cantons. Ph. Doyon.
D’après Jean-Philippe : « Fabriquer de l'absinthe n'est pas sorcier, en faire une bonne c'est autre chose. C'est une recherche constante d'équilibre. Il est vrai que l'absinthe rend fou ceux qui la produisent ». Remarque amusante que j’entends pour la première fois !
Ph. Doyon.
Jean-Philippe conclut notre discussion par-delà l'océan par ces mots :
« Je ne cache pas mon attachement identitaire particulier pour ce produit d'inspiration exclusivement francophone. Le Québec est un microcosme francophone en Amérique et d'y faire revivre un alcool mythique qui nous vient tout droit de la mère patrie me stimule dans mon métier. C'est d'ailleurs avec le plus grand respect possible des techniques de fabrication ancestrales de l'absinthe que j'ai conçu mes produits, sans excentricité, et avec l'unique intention de faire de bonnes absinthes ».
Souhaitons-lui de réussir dans cette branche d'activité difficile à bien des égards.
Affiche. Ph. Doyon.
L'adresse de l'Absintherie des Cantons est le 800 Moeller à Granby au Québec.
