L'Absinthe à Londres : le Poison français
L’Angleterre n’a jamais interdit l’absinthe car boisson assez peu consommée en regard du gin qui faisait des ravages dans les classes populaires et qui a été interdit dans les années 1920.
Cependant La Gazette de Charleroi du 30 mars 1896 tend à démontrer une certaine consommation du moins dans les grandes métropoles.
L’article nous apprend que 10 ans en arrière, soit en 1886, l’absinthe, effectivement, n’existait pratiquement pas à Londres. On en servait seulement au Café-Royal dans la Regent street, la seule rue de Londres où l’on roule à droite, et au Café Monico de Picadilly Circus.
"Le Café-Royal à Londres", huile sur toile. Musée d'Orsay, Paris. Lieu de rendez-vous d’artistes, le Café-Royal avait vu en ses murs, Verlaine et Rimbaud, Oscar Wilde, Dowson et bien-sûr beaucoup d’autres. Lire à ce sujet la fiche très intéressante rédigée par Benoît Noël sur William Orpen et le Café-Royal dans notre livre « Absinthe, muse des peintres, éditions de l’Amateur, 1999. P. 172 à 177 »
D’après l’article belge, boire de l’absinthe à Londres relevait presque du suicide puisque les anglais avaient surnommée notre Fée verte, le Poison français !
Ou comment boire l’absinthe à Londres !
La première façon, était apparemment en grog. C’était devenu apparemment officiel puisque les public-House affichaient ostensiblement « Absinthe Hot ».
Un grog à l’absinthe est loin d’être ridicule car les plantes constituantes et surtout la grande absinthe sont réputées lutter contre la fièvre. Il est en fait plus sain et plus efficace en période grippale que le classique grog que l’on connaît. À condition de faire attention à la dose d’absinthe utilisée en tenant compte de son degré alcoolique et de ne pas en abuser !
Il n’est pas rare d’apercevoir un consommateur qui mêle à cette absinthe coupée d’eau bouillante quelques morceaux de sucre, une rondelle de citron, un peu de cannelle pilée, un clou de girofle. Le mélange achevé, le consommateur avalera la chose fumante sans reculer devant sa couleur ignoble ni ses parfums inquiétants
D’autres la buvaient pure ou y rajoutaient d’autres alcools. En cela, on n’était pas en reste si l’on se réfère à Toulouse-Lautrec qui raffolait de « tremblements de terre » comme il appelait son mélange cognac et d’absinthe.
D’autres encore, mettaient un petit verre d’absinthe pure dans leur tasse de café. Pratique courante en France également.
L’article écrit en faveur des ligues de tempérance, revient sur la consommation de l’absinthe à Londres. Il cite le cas d’un épicier qui en 1885 vendait seulement une dizaine de caisses de douze bouteilles, à quelques français établis à Londres et en vendait en 1895 plus de 300.
Suit inévitablement, le constat alarmant de l’augmentation des alcooliques absinthiques avec la description classique qui en est faite.
On appréciera la dernière phrase : « Quand ils sont ivres, le Français bavarde, l’Allemand dort, l’Anglais boxe » !!
Merci à Dieter Blanquaert pour ses recherches. Didier m’a envoyé depuis la Belgique ce document, ainsi que d’autres qui feront l’objet d’articles ultérieurs.