La Fée verte et le rocher rouge
Le Parc national d'Uluru-Kata Tjuta - 30-31 janvier 2017 - Départ tôt le matin d'Alice Springs pour parcourir les 460 km. qui mènent au Parc national d'Uluru-Kata Tjuta. Ce parc présente des formations géologiques spectaculaires qui dominent la vaste plaine semi-aride qui les entoure.
Autrefois appelé Ayers Rock-Mont Olga, le parc a été renommé en langue aborigène pour des raisons culturelles. L’immense rocher d’Uluru et les dômes rocheux de Kata Tjuta, à l’ouest d’Uluru, font partie intégrante des croyances traditionnelles de l’une des plus anciennes sociétés humaines au monde. Le peuple aborigène Anangu en est propriétaire.
Sur la route : la Stuart Highway
En 1862, John Stuart traverse la région du sud au nord en dressant des cartes pour trouver l'endroit idéal pour l'installation de colonies. Son nom a été donné à la principale route qui rejoint Adélaïde au sud à Darwin au nord, la Stuart Highway.
Cette route toute droite sur laquelle nous allons être pendant plus de 6 heures sous une température de 42° reste parmi mes meilleurs souvenirs. Allez savoir pourquoi ! Peut-être parce qu'elle me fait penser à la chanson de Bernard Lavilliers "On the Road" mais surtout parce qu'elle va être riche de rencontres et de découvertes insolites.
Première surprise : un panneau indiquant la présence de très grands camions, les Road Trains - les trains de la route. Trois remorques sont accrochées à un tracteur, le tout pouvant mesurer 53,5 mètres de long. La route étant toute droite, ils roulent à la vitesse autorisée soit 100 km. à l'heure. Inutile de dire qu'il vaut mieux ne pas traverser au moment de leur passage car il leur faut un certain temps pour s'arrêter.
De temps en temps, tous les 150 km. environ, une station à essence avec vente de burgers et de boissons permet aux voyageurs de se détendre. C'est aussi l'occasion de discuter avec les routiers qui font régulièrement la route Adélaïde-Darwin, ou l'inverse soit 3000 km. dans un sens puis dans l'autre.
Puis on repart jusqu'à la prochaine station à 150 km. de là.
Nous quittons finalement la Stuart Highway pour la Lasseter Highway en direction d'Uluru. La route est la même, droite et désertique car les camions ont continué sur l'autre route.
Et soudain, je me crois dans le film Bagdad Café ! Deux petites pompes à essence sur le sol de terre rouge et un bâtiment en rondins avec sur le côté, un abri ombragé aux poteaux peints par les Aborigènes.
Une atmosphère étrange règne là. Personne dehors, il fait trop chaud.
La porte s'ouvre sur une grande salle qui fait boutique et donne sur une autre grande salle où, image surréaliste, des aborigènes sont assis devant des tables vides pendant que d'autres regardent la télévision.
Les murs des salles sont en partie décorés même celui des toilettes sur lesquelles on peut voir, en bleu, l'emplacement de leur communauté avec les routes qui mènent vers leurs sites sacrés : le Mont Conner, Uluru et Kata Tjuta.
Dernière surprise, le jeune homme qui tient le comptoir est savoyard. En Australie pour 2 ans, il vit ici dans le bush près des Aborigènes depuis 6 mois. Les Aborigènes restent là dans la station toute la journée où ils s'occupent en peignant quelques toiles puis repartent le soir dans le bush dans leur communauté. Ne parlant pas aux étrangers, ne les regardant même pas, ils ont quand même fini par adopter Arnaud et lui ont expliqué en partie leur vision du monde.
Le Temps du Rêve
Le Temps du Rêve, aussi appelé Le Rêve, est le thème central de la culture des Aborigènes. Il explique les origines du monde, de l'Australie et de ses habitants. Selon la tradition orale, des créatures géantes, comme le crocodile et le Serpent-arc-en-ciel, sont sorties de la terre, de la mer et du ciel et sont à l'origine de la vie humaine et des paysages. Leurs corps géants ont créé les fleuves et les collines, ont apporté les fleurs dans les champs. Leur œuvre de création terminée, ils se sont mis eux-mêmes dans la nature rendant ainsi la terre sacrée.
Suite à ces croyances, très résumées ici car leur culture est beaucoup plus complexe, les Aborigènes pensent que la terre ne peut être une propriété personnelle mais qu'elle appartient à chacun d'eux car elle est la mémoire vivante de leur histoire. Ils ont conscience de n'être que des incarnations temporelles interconnectées avec le reste de la Création et qu'ils doivent inclure les générations passées et futures dans la perception de leur raison d'être. Les hommes passent mais les terres et leurs histoires persistent.
"La terre est notre mère, l'aigle notre cousin. L'arbre pompe notre sang. L'herbe qui pousse. Et l'eau. Et nous, ne sommes qu'un."
Les Aborigènes transposent leurs croyances dans leur art. Ils sont de remarquables peintres, sur tissus et toiles. Dans les Territoires du Nord, ils peignent surtout sur des écorces. Leurs œuvres évoquent le plus souvent la mythologie du Temps du Rêve c'est à dire le moment de la Création.
Les créations aborigènes se retrouvent dans les boutiques et les galeries d'Alice Springs. Leur prix est élevé, surtout quand l'artiste est devenu célèbre.
Et on repart ! Je prends le volant en faisant attention aux panneaux qui indiquent que des aborigènes peuvent traverser la route pour retourner dans leur communauté. Au bout de 100 km. je déclare forfait car conduire à gauche me stresse bien qu'il n'y ait personne sur la route !
Les panneaux annonçant le passage possible de kangourous ou de koalas ont fait place à une mise en garde contre les chameaux. Après la construction du train le Ghan, avec l'aide des chameaux importés d'Afghanistan, ces derniers ont été relâchés dans la nature et sont redevenus sauvages. Ils se sont multipliés et sont aujourd'hui un fléau qui détruit le bush.
Et puis au loin, apparaît une masse sombre qui se détache sur le paysage. Le Mont Conner. Ce plateau en fer à cheval situé à 88 km. d'Uluru est haut de 300 mètres.
Un peu plus loin, un espace aménagé sur le bord de la route signifie qu'il y a un point de vue. Sur une dune de sable rouge les nombreuses traces de pas indiquent que c'est là. On grimpe et là-haut, on ne s'y attend pas dans ce désert : un lac où les bancs de sable dominent sur l'eau bleue, certes, mais c'est l'été et il fait très chaud.
Le lac Amédée est un immense lac salé de 145 km de long sur 20 km de large à qui il arrive d'être complètement à sec. Son nom lui fut donné par l'explorateur Ernest Giles en l'honneur du roi Amédée 1er d'Espagne.
Uluru/Ayers Rock
Le soleil commence à baisser. Il ne faut plus tarder pour arriver à Uluru avant la nuit car c'est au coucher du soleil que ce gigantesque rocher prend ses plus belles couleurs. Enfin, de loin, le voilà !
En 1872, l'explorateur William Gosse appelle le site Ayers Rock en hommage au premier ministre d'Australie méridionale Henry Ayers.
En 1903, l'expédition de Burke et Wills rapporte le nom aborigène d'Uluru.
Le 15 décembre 1993, une politique de double dénomination est officiellement adoptée. Le rocher est renommé Ayers Rock/Uluru.
En 2002, l'ordre est inversé à la demande de l'association du tourisme régional d'Alice Springs. C'est le nom aborigène qui prime : Uluru/Ayers Rock.
Uluru est le premier site à avoir retrouvé son nom aborigène originel. Ce sera le début d'une vague de sites à double noms dans toute l'Australie.
Uluru est un des symboles de l'Australie classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Haut de 348 mètres, ce n'est pas un monolithe comme on le décrit souvent mais un inselberg c'est à dire un relief rocheux isolé suite à l'érosion de la roche moins résistante du plateau qui l'entoure. Il s'enfonce profondément sous la plaine mais son étendue est inconnue.
Alors que les roches environnantes étaient aplanies, l'homogénéité du bloc a permis sa pérennité. Uluru a conservé les mêmes contours et le même aspect depuis 60 millions d'années.
Ça y est, on est tout près. Le ciel est un peu nuageux mais les rayons du soleil couchant arrivent quand même à passer donnant à Uluru une couleur rouge dont on a du mal à détacher le regard.
La nuit est tombée et le Parc va fermer. Il est temps de rejoindre le petit village de Yulara pour la nuit.
Yulara se trouve à 18 km. d'Uluru, juste à l'extérieur du Parc national. Le village a été construit uniquement dans un but touristique pour mettre fin au développement anarchique de motels au pied d'Uluru. Le village devenu opérationnel en 1984 a permis la destruction des vieux motels. Le droit de propriété du Parc rebaptisé Uluru Kata Tjuta a été transféré au peuple indigène local qui l'a loué en retour à Parks Australia qui gère l'ensemble touristique pour 99 ans.
De retour dans le parc le lendemain matin, nous nous dirigeons vers un autre site moins connu qu'Uluru mais également impressionnant.
Kata Tjuta/Olga.
Les Kata Tjuta avaient d'abord été dénommés Monts Olga par l'explorateur Ernest Giles en l'honneur de la reine Olga de Wurtemberg. En 1993, le nom sera Mount Olga/Kata Tjuta. Nom qui sera inversé en 2002.
Situés à 25 km. d'Uluru, les Kata Tjuta sont constitués de 36 dômes couvrant un peu plus de 21 km2 du Parc. Le plus grand sommet du groupe, le mont Olga, culmine à 1 070 m et domine la plaine environnante de 400 à 600 m.
Une petite randonnée est proposée dans la Walpa gorge passant entre deux blocs de Kata Tjuta. Ph. Delahaye.
Un schéma simplifié donne une explication possible reliant les phénomènes géologiques d'Uluru et des Monts Olga.
Nous retournons sur le site d'Uluru pour le regarder sous une autre lumière, en faire le tour et le voir de plus près.
Les Aborigènes ne font pas la distinction entre ce qui est naturel et ce qui est culturel. De ce fait, ils protègent les sites qui sont des lieux naturels mais aussi culturels puisque c'est là que se reproduisent les "petits esprits " à l’origine de la reproduction des animaux et des humains. Leur destruction entraînerait l’extinction des espèces humaines et non humaines.
Sur l'entrée principale d'Uluru des panneaux expliquent le caractère sacré du site et demandent aux visiteurs de ne pas monter sur le rock. Ils sont traduits dans plusieurs langues.
Cela n'empêche pas des intrépides et surtout des irrévérencieux de la culture d'autrui de gravir Uluru. Une chaîne a été installée à l'endroit de la montée la seule possible par une américaine dont le mari s'est tué en tombant.
Endroit où est posée la chaîne. Devant son point de départ, les panneaux de mise en garde. Ph. Delahaye.
Après deux heures passées près d'Uluru, il était temps de reprendre la route dans l'autre sens vers Alice Springs. Au passage, on s'est arrêté dire au-revoir à Arnaud et à ses aborigènes.
Demain, l'avion pour Sydney.
À suivre... Emblématique Sydney