L’Absinthe Pernod Perd nos Fils
Pernod Fils installé à Pontarlier en 1805 est la première marque d’absinthe en France dont le nom sera connu dans le monde. Il était superflu de demander au garçon une "Absinthe Pernod Fils", dire "Un Pernod" suffisait amplement.
Revers de la médaille d'une trop grande notoriété, la Maison Pernod Fils a été l'objet de quolibets dans le contexte de la discrimination de l’absinthe vers la fin du XIXe siècle, début XXe. Les mouvements antialcooliques vont se faire une joie de trouver des slogans pour ridiculiser la marque.
Ainsi la chanson « L’Absinthe Perd nos Fils » dont voici le refrain à reprendre en chœur sur l’air de "La Petite Tonkinoise".
Ils devaient être légions à l’époque à se gausser du célèbre jeu de mot "Noé sauva nos pères mais l’absinthe Perd nos Fils". Formule reprise dans la chanson "Un petit Pernod" créée aux Ambassadeurs par Féréol et dont les paroles sont dues à Horace Delattre et la musique à A. Teste.
Un joli pot en terre vernissée avec son petit bec spécifique pour faire le fin filet d’eau fraîche reprend l’esprit de la formule. Pernod père : perdra nos fils - Pernod fils : perdra leurs enfants.
Pot à eau en terre vernissée avec son bec spécifique pour verser l'eau sur l'absinthe. Coll. Durand.
En bas du pot, la signature gravée Gojon Annecy.
La poterie Gojon était basée dans le quartier de Vovray à Annecy. D’après l’organe de presse "l’Essor savoyard", la poterie datait du XVIIIe siècle mais a été ravagée par un incendie dans le courant du XXe siècle et a dû être rasée.
"Mémoire et actualité" rapporte qu’en 1899 : "Mercredi, un bien triste accident est arrivé à M. Gojon père, potier à Vovray (Annecy). M. Gojon était allé à Sainte-Catherine abattre un gros châtaiginer. Il était en train de couper une maîtresse branche quand celle-ci s'abattit et le projeta à quelques mètres. M. Gojon put se relever et ce n'est qu'à grand'peine qu'il regagna seul son domicile. Le médecin appelé en toute hâte constata la fracture de deux côtes au côté gauche et des contusions sérieuses qui font craindre une aggravation dangereuse".
La Savoie a connu de nombreux potiers et céramistes et beaucoup de ces petits pots à bec verseur sont originaires de cette région. Dans leur livre "Potiers et céramistes des Pays de Savoie 1900/60", Anne Buttin et Michèle Pachoud-Chevrier constatent que les objets créés apparemment d’humble apparence, sont issus des techniques traditionnelles du XIXe siècle et sont directement enracinés dans les courants successifs de l’art décoratif français. Les auteurs concluent que cet artisanat local ancestral fléchissant vers un art plus savant constitue un cas de figure probablement unique en France.