Mongolie, steppes à absinthes
Transsib 11-3-Mon premier contact avec l'absinthe a été à la statue équestre de Gengis Khan. À peine descendue de voiture, mon regard a été attiré par des petites touffes de couleur vert gris. J'étais sûre que ça en était !
Effectivement, en m'approchant plus près, il n'y avait plus aucun doute possible. C'était bien de l'absinthe. Ses petites tiges dressées et fleuries m'ont fait sauter de joie car je voyais pour la première fois de la Petite Absinthe en fleurs, (Artemisia pontica), ce qui n'arrive jamais sous nos climats. Son arôme hyper puissant, différent de la grande absinthe, m'a confortée dans mon idée.
L'odeur puissante m'a alors fait penser au génépi. La forme des fleurs s'en rapproche également. Mais non, les feuilles n'ont rien à voir et puis à 1400m. on est un peu bas pour du génépi, même sous un climat rude.
Il ne me restait plus qu'à en cueillir pour les faire sécher et les ajouter à ma collection d'Artemisia en espérant qu'un jour je pourrai leur donner leur nom.
Différents éléments d'une première touffe. Les tiges sont graciles et espacées avec de toutes petites fleurs. Ph. Delahaye.
J'avance un peu plus loin pour une nouvelle photo. Mais je tombe sur une autre variété. Les fleurs sont beaucoup plus grosses, ressemblant cette fois à celles de la grande absinthe mais le pied est petit, 25 cm. pas plus. Donc, ce n'est pas de la grande absinthe. J'arrache un pied avec un peu de racines. L'odeur est envoûtante. Est-ce une variété d'Artemisia Cina, originaire de Chine, ou une autre espèce ? Ça devient très compliqué.
Je continue mon exploration. Il y a bien de l'absinthe partout mais laquelle ou plus exactement, lesquelles ?
De retour à Oulan-Bator, en longeant un petit jardin mal entretenu, j'aperçois enfin de la grande absinthe à travers la grille. Elle est grande et grisâtre comme chez nous. Par contre, les pieds sont arrachés et couchés au milieu des mauvaises herbes. Je n'ai pas d'explications.
Un peu plus loin, une autre sorte de grande absinthe. Les fleurs sont plus petites, légèrement pendantes comme des petites clochettes. Il pourrait s'agir d'Artemisia maritima, espèce originaire d'Angleterre qui s'est propagée largement vers l'Orient, jusqu'en Mongolie. "C'est une espèce aromatique arbustive d'un mètre environ de haut, à tige dressée très rameuse dès le pied. C'est une plante aux formes extrêmement diverses; les capitules, notamment, peuvent être dressés ou pendants". Ça pourrait correspondre mais je ne peux pas l'affirmer.
J'ai commencé à étudier la question à mon retour et suis tombée sur un livre édité en 1960 par l'Unesco sur les plantes médicinales en milieu aride.
Publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, Paris 7ème. Imp. Oberthur, 1960
Il apparaît que parmi les familles de plantes médicinales des régions arides, les Astéracées dont font partie les armoises sont en bonne place. "Le genre Artemisia est composé d'un grand nombre d'herbacées de petite taille dont quelques 280 espèces se rencontrent dans l'hémisphère nord. Elles sont très répandues dans les terres arides et notamment les steppes asiatiques".
Les Artemisia sont des xérophytes, c'est-à-dire des plantes pouvant être privées d'eau. En Asie centrale, elles croissent dans les régions semi-désertiques soumises à des températures variant d'un extrême à l'autre et montrent une prédilection pour les sols sablonneux salins. La formation d'huile essentielle semble jouer un rôle dans leur protection contre la sécheresse, ce qui explique l'odeur extrêmement puissante de ces plantes.
Dans les déserts tout comme dans les steppes de Russie, Sibérie et Mongolie, les plantes annuelles résistent de façon remarquable aux hivers très froids et à des sécheresses prolongées. Elle demeurent en effet à l'état de graines et ne germent que lorsque les pluies sont suffisamment abondantes pour assurer la croissance de la plante et sa maturité.
Tous les ouvrages consultés disent que les steppes mongoliennes sont à absinthes. Elle apparaît même comme une plante majeure. Les propriétés anthelmintiques (contre les vers) de certaines espèces dues à la présence importante de santonine dans leur huile essentielle ont été largement exploitées dans les années 1950-1960, notamment par la Russie en Sibérie qui a été le plus gros exportateur de santonine.
Certaines autres espèces comme l'Artemisia sacrorum, rencontrée aussi en Sibérie et au Tibet oriental, serait plus riche en camphre et serait utilisée pour soigner les affections de la tête des chevaux.
Quand j'arrive à la fin du livre et que je vois la liste des absinthes qui vivent dans les régions arides, je comprends que c'est impossible pour une non-initiée de s'y retrouver. Si un botaniste éclairé sur la question des Artemisia pouvait m'apporter son aide, ça serait formidable.
Espèces médicinales des régions arides
Artemisia absinthium L.
A. annua L.
A. campestris L .
A. cina Berg.
A. dracunculus L.
A. fragrans Willd.
A. gallica Willd.
A. herba-alba L.
A. herba-alba Asso.
A. herba-alba Asso. var. laxiflora.
A. judaica L.
A. maritima L
A. maritima forma rubricaule.
A. mexicana Willd.
A. monogyna Waldst. & Kit.
A. neo-mexicana Woot.
A. parviflora Roxb.
A. persica Boiss.
A. sacrorum Ledeb.
A. scoparia Waldst. & Kit.
A. siversiana Ehrh.
A. wrightii A. Gray.
On remarquera, qu'il n'y a pas la petite absinthe (Artemisia pontica).
À suivre... Transsib 12- De l'absinthe à perte de vue