Ekaterinbourg, un pied en Europe, un pied en Asie
Transsib 6-Dimanche 7 et lundi 8 août. L'arrivé à Ekaterinbourg a lieu en fin d’après-midi. Ekaterinbourg est l'un des nœuds ferroviaires les plus importants de Russie. Les trains sont ici dirigés vers sept directions différentes.
À l'hôtel nous sommes accueillis par Pavel qui parle un français impeccable. Heureux de pouvoir parler dans notre langue, il accepte avec beaucoup de bonne humeur de poser avec la bouteille de la Fée Parisienne devant lui.
Petite balade en ville
Ekaterinbourg est la capitale de l'Oural. Elle a été fondée en 1723 par le tsar Pierre le Grand et doit son nom à son épouse Catherine Iere.
En 1941, Staline fit évacuer par plusieurs milliers de trains les usines d'armements de la région de Moscou vers Ekaterinbourg et toute la région de l'Oural formant un gigantesque complexe militaro-industriel. Toute cette région et la ville furent déclarées zone interdite jusqu'en 1991.
Ekaterinbourg est une grande ville industrielle et culturelle avec plus de 70 instituts rattachés à l'Académie des Sciences et de nombreux centres de recherche.
moderne où il est très agréable de se promener. Et bonne idée qui pourrait être reprise chez nous, l'itinéraire touristique est dessiné par une ligne rouge sur le trottoir. Pas besoin de connaître la langue ou de s'embarrasser avec des plans, il suffit de suivre la ligne pour découvrir les lieux les plus remarquables.Des immeubles modernes côtoient des immeubles au style baroque de la fin du XIXe siècle, début XXe avec, de temps en temps, de vieilles maisons traditionnelles
, aujourd'hui préservées.Près du canal de l'Isset et de la Place du Travail, la chapelle Sainte-Catherine, construite en 1998 sur les lieux d'une ancienne église en bois détruite par un incendie en 1747.
Est-ce dû à la présence d'une Alliance française mais au détour d'une rue, une affiche annonce le prochain concert de Michel Legrand. Un peu plus loin, une autre affiche annonce un film sur Van Gogh. Comme quoi la culture est vraiment universelle et est le lien indispensable entre les hommes. Il faut ajouter que l'orchestre philarmonique d'Ekaterinbourg se produit dans le monde entier et a participé à l'inauguration de la salle Pleyel rénovée à Paris.
À la frontière Europe-Asie
La frontière des deux continents se trouve à une quarantaine de kilomètres d'Ekaterinbourg. Le socle du monument qui symbolise cette limite est en granit provenant des deux points extrêmes de chacun des continents. Côté Europe, la pierre provient du Cap Roca au Portugal alors que côté Asie, la pierre provient du Cap Djenev situé sur la péninsule Tchouktche donnant sur le détroit de Béring.
Traditionnellement, les voyageurs sablent le champagne mais ce jour-là, ce sera de l'absinthe. Partage avec des argentins. Ph. Delahaye.
Ekaterinbourg ou la fin des tsars
Le tsar Nicolas II, tsar de toutes les Russies depuis 1894 avait dû abdiquer en 1917 sous la pression des mouvements révolutionnaires. D'abord emprisonné avec sa famille à Saint-Pétersbourg, les bolcheviks les conduiront dans différents endroits puis à Ekaterinbourg où ils seront maintenus prisonniers dans la maison Ipatiev. Nicolas II, son épouse, son fils, ses quatre filles, le médecin de la famille, son domestique personnel, la femme de chambre et le cuisinier seront mis à mort dans la cave de la maison par les bolcheviks dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918 mettant ainsi fin à la dynastie des Romanov.
En l'honneur de Sverdlov qui aurait ordonné l'exécution, La ville sera rebaptisée Sverdlosk en 1924. Elle retrouvera son nom d'origine impériale en 1991.
L'église de Tous-les-Saints-sur-le-Sang-versé
Boris Eltsine fit raser la maison en 1977 pour qu'elle ne devienne pas un lieu de vénération mais en 2000, au vu de leur martyre, Nicolas II et sa famille seront canonisés par l'Église orthodoxe russe. Une église imposante est construite en leur mémoire en 2003 sur les lieux mêmes de la maison où ils ont été assassinés. L'Église du Sang-versé est un lieu de pélerinage où la ferveur est très présente.
L'Église du Sang-versé avec les photos de la famille. Les 23 marches de l'entrée sont là pour rappeler les 23 marches que la famille impériale a dû descendre pour aller dans la cave où ils seront exécutés. Ph. Delahaye.
Aperçu de l'intérieur de l'église du Sang-versé. Les icônes de la famille impériale canonisée ornent de nombreux murs. L'autel de l'église principale se trouve exactement au-dessus de l'endroit de l'exécution. Ph. Delahaye.
Le monastère de Ganina Yama
Les corps de Nicolas II et de sa famille furent jetés dans le puits d'une mine désaffectée et recouverts d'acide sulfurique pour les détruire totalement afin qu'ils ne deviennent pas des reliques. Ils seront néanmoins retrouvés en 1990, exhumés puis identifiés par une analyse ADN. Le corps du tsarévitch Alexis et celui de l'une des filles qui manquaient seront retrouvés en 2007 dans une forêt de l'Oural.
Un monastère a été construit à l'endroit de la mine désaffectée, à 18 km d'Ekaterinbourg. Les églises y sont construites dans le style ancien des campagnes russes avec des rondins de bois et des bulbes dorés.
Les églises orthodoxes russes ont traditionnellement 1, 2, 3, 5, 7 ou 13 coupoles. Dans le monastère, la présence d'une église à 17 coupoles fait figure d'exception car liée à la date du 17 juillet, jour de l'assassinat.
La visite du monastère, occupé par des moines, est emprunte d'une certaine émotion. À chaque détour de chemin, on se trouve face soit à une petite église soit à une statue des membres de la famille impériale. Puis vient le moment où l'on découvre l'endroit exact où ont été jeté les corps.
La fosse n'a pas été recouverte volontairement. Seuls des lys blancs la tapissent. Devant, une simple croix. Ph. Delahaye.
Dans la religion orthodoxe, les femmes doivent avoir un foulard sur la tête pour entrer dans les lieux de culte.
Petit rappel historique
En octobre 1896, le tsar Nicolas II et son épouse avaient fait leur première visite officielle en France. À cette occasion, Nicolas II posa la première pierre du Pont Alexandre III, ainsi nommé en l'honneur de son père, artisan de l'alliance franco-russe établie en vue de l'Exposition Universelle de 1900. Nicolas II fera un deuxième voyage officiel en France en 1901, provoquant l'enthousiasme des français.
Plus d'un tiers de l'épargne des ménages français (les fameux emprunts russes) était alors consacré à l'industrialisation de la Russie, principalement dans les chemins de fer, dont le Transsibérien. Plusieurs milliers de français, artisans, commerçants, ingénieurs, étaient partis s'établir dans les grandes villes économiques de l'Empire. Ces échanges étaient facilités par l'emploi de la langue française, obligatoire dans le système d'enseignement secondaire russe de l'époque et très répandue dans les classes instruites.
L'engouement pour la Russie était tel que la publicité s'empara du phénomène.
Marque déposée le 24 août 1895 au greffe du tribunal de commerce de Besançon par M. Girard, distillateur à Champlive. Collection Delahaye.
Après cette journée dense, le soir venu, il était temps de reprendre le train pour continuer le voyage.
À suivre... Transsib 7. De l'Oural à la Sibérie.