1854 : le dépurateur
La consommation d'absinthe au sein de l'armée d'Afrique avait suscité des interrogations sur son innocuité. Les analyses menées alors ne détectèrent pas les corps nuisibles soupçonnés, en particulier le sous-acétate de plomb qui blanchit avec l'eau, et il fut conclu que seule la surconsommation était responsable des problèmes rencontrés.
Suite au rapport fait au Ministre de la guerre par le bureau des hôpitaux en vue "d'une proposition de défendre l'usage de l'absinthe parmi les troupes et d'en prohiber la vente dans les camps, cantines et autres endroits fréquentés par les militaires en Algérie.", l'ordre général d'interdiction fut signé le 17 octobre 1845 par Dalmatte, le maréchal Duc d'Isly, c'est à dire le maréchal Bugeaud et Beauquet. (Recherches effectuées par Philippe Fumoux. Voir son site : Frenchman)
Cette interdiction ne concernait que les militaires en Algérie. En décembre 1848, l'Algérie est annexée à la République française via la création des départements d'Algérie. Dès lors, toute l'administration se trouvera sous législation française et l'absinthe refera son apparition dans l'armée.
Ce préambule sert à situer l'esprit de l'invention suivante. L'inventeur se réfère en effet aux données historiques pour justifier son invention.
Le brevet d'invention pour la dissolution et épuration de l'huile essentielle de l'absinthe a été déposé le 10 mai 1854 par M. Poumicon (Pierre Alexis), rue du Dragon, 26 à Marseille (Bouches-du-Rhône).
Je me suis proposé de diminuer et même de faire complètement disparaître l'action vénéneuse que l'absinthe produit sur la santé des consommateurs, non pas à cause de la petite quantité d'alcool qu'elle représente mais bien par l'effet des propriétés de l'huile essentielle âcre qui y est contenue. On sait combien cette boisson a fait en Afrique de malheureuses victimes, aussi le Maréchal Bugeaud en avait défendu à l'armée, la plus petite consommation.
L'appareil que j'ai inventé permet à chaque consommateur de produire lui-même l'épuration de l'absinthe en même temps que son mélange immédiat avec l'eau. Il se compose d'une petite coupe dont le fond hémisphérique est percé de trous, comme une passoire, qui donnent passage à l'eau qui tombe perpendiculairement sur l'absinthe qui est au fond du verre [ ...] 8 cannelures sont pratiquées pour donner issue à l'air; un petit trou à chaque cannelure laisse passage à une certaine quantité d'eau qui découle autour des parois du verre et aide puissamment avec les trous plongeurs à la dissolution complète de l'absinthe déposée au fond du verre; l'air, en s'échappant par les cannelures se charge de toute la partie âcre de la liqueur et s'épure entièrement.
J'ai à plusieurs reprise essayé et fait essayer l'emploi de ce petit appareil et toujours, il a été reconnu que la boisson préparée par notre procédé est entièrement exempte de ses propriétés fâcheuses que nous attribuons à la présence de cette huile dont l'air entraîne la plus grande partie ainsi qu'on peut le reconnaître à l'odeur vive et piquante qui se manifeste au-dessus des ouvertures par lesquelles il s'échappe. C'est pour indiquer l'action bienfaisante de ce petit appareil que je lui ai donné le nom de Dépurateur.
Tous mes remerciements à l'équipe de l'INPI qui a mis ses documents à ma disposition. Ces archives appartiennent à l'INPI et ne peuvent être reprises sans leur autorisation.