Décryptage d’une étiquette
Cette étiquette au trait, en noir et blanc, a la particularité de faire la promotion de l'absinthe par le texte et l'image. Claude Brun, son inventeur en 1810, en cite tous les bienfaits : « Breuvage prophylactique, parégorique et talismanique ».
Claude Brun va, de plus, préciser la façon de la consommer, allongée d'eau.
Nota : Plein un Verre à Liqueur d'Absinthii mêlé à un Verre de table d'eau, est un Breuvage des Dieux et un Lait de Santé.
Cet Absinthii qui a les propriétés de l'Elixir de Chartreuse peut au besoin produire les mêmes effets.
Tout en bas de l'étiquette, un petit rébus facile à déchiffrer.
Le livret d’où est extraite cette étiquette en comprend 10 toutes en noir et blanc. Elles proposent différentes liqueurs commémoratives d’un événement historique bien précis.
Claude Brun avait un sens de l’humour très poussé et mis à part cette étiquette pour l’absinthe, il ne devait pas être facile de savoir quel type de liqueur se trouvait à l’intérieur de la bouteille quand on lisait sans annotation plus précise : La Valeureuse, l’Élixir des Braves, le Nectar de Washington, le Nectar de la Chartre de 1830, l’Élixir Garibaldi…
Qui était Claude Brun ?
D'abord chimiste et pharmacien à Voiron dans l'Isère, Claude Brun (1760-1831) deviendra distillateur. Il épousa Marguerite Pérod en 1810. Leur fils Claude François naquit en 1798, hors mariage. Claude Brun fonde à St Marcellin, en octobre 1804, une première société pour la fabrication des liqueurs avec Rey et Crozet qui apportaient le capital. L’association cessera en décembre 1806. Il s’établit alors à Voiron en 1807 où il poursuit ses recherches sur les liqueurs. Une nouvelle société fut constituée : Claude Brun & Cie le 6 juin 1807 qui sera dissoute en mars 1812. En 1808, Claude Brun invente le China-China, liqueur digestive à base d’écorces d’oranges amères, de plantes aromatiques et de fruits exotiques, qui va faire sa réputation. En 1810, il ajoute à ses différentes liqueurs la production d'absinthe.
Le 28 février 1817, Claude Brun adjoignit le nom de sa femme au sien, la société devint Brun-Pérod et Cie.
En 1967, la société Bénédictine reprit la fabrication et la commercialisation du China-China par le biais de Get Pipermint installé à Revel en Haute Garonne. Vers 1980, la production prit fin, le China-China n’étant plus porteur.
Le Coup du milieu
La partie illustrée de l'étiquette montre un Officier des Chasseurs de la Garde et un Officier des Voltigeurs se versant une absinthe sous le regard protecteur de la déesse Artemis. Le flacon porte la mention : "Coup du milieu"
Grimod de la Reynière, illustre gastronome du XVIIIe siècle parle dans son almanach des gourmands édité en 1805 de ces rituels qu'il appelle le coup d'avant et le coup du milieu.
En place de potage, on servira d'abord le "coup d'avant" afin de mieux disposer les estomacs et de les remettre de la fatigue de la route. Ce coup est composé d'excellent vermouth ou à défaut d'excellente crème d'absinthe.
Avant de parler du café, des liqueurs, etc.. qu'il nous soit permis de placer ici le "coup du milieu" qui a pris ce nom du moment auquel il arrive. C'est à la ville de Bordeaux, si chère sous tant de rapports aux gourmands et aux vinographes que nous devons cette admirable invention, trait de génie qui donne les moyens de faire un second dîner et qui double en quelque sorte les forces des estomacs les plus débiles