Absinthe gazeuse
Jusqu'en 1952, les siphons d'eau de Seltz étaient présents sur les tables de café à la disposition des consommateurs qui ajoutaient très souvent quelques gouttes d'eau gazeuse dans leurs apéritifs, quinquinas ou amers. Très en vogue au XIXe siècle, ils sont visibles sur les cartes postales de l'époque.
Qu'appelle-t-on eau de Seltz ?
À l'origine, l'eau de Seltz provient d'une source d'eau gazeuse naturelle située à Niederselters dans le duché de Nassau en Allemagne. Réputée dès le XVIe siècle pour ses propriétés digestives et diurétiques, l'eau de Selters fut mise en bouteilles et expédiée dans de nombreux pays d'Europe dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. On commençait à comprendre que cette eau devait ses qualités à la présence de bicarbonate de sodium et de gaz carbonique. Il s'ensuivit dès lors une série d'inventions de récipients permettant la fabrication d'eau de Seltz artificielle par adjonction de dioxyde de carbone plus connu sous le terme de gaz carbonique. Ces inventions aboutiront au siphon. Dès lors on appela eau de Seltz toute eau gazeuse obtenue par un procédé chimique.
L'origine des siphons
Le premier siphon à eau de Seltz est l'invention d'un certain docteur North, en 1775. Il s'agissait d'un vase en verre à trois compartiments. Craie, eau et acide sulfurique se mélangeaient dans le pied et par le biais de la réaction chimique engendrée gazéifiaient l'eau présente dans la partie supérieure de la bouteille. Le système fut perfectionné en 1834 par le français Chaussenot aîné qui introduisit une "poudre d'eau de Seltz" à base de bicarbonate de sodium dans l'appareil composé de deux compartiments.
L'eau gazeuse, alors considérée comme un médicament, était l'apanage des pharmaciens qui étaient chargés du remplissage des siphons et de leur distribution. Les premiers siphons étaient en porcelaine, décorés ou non.
En 1845, Fèvre breveta l'appareil gazogène permettant dans les foyers la fabrication et la consommation d'eau gazeuse. Il gagna un procès contre les pharmaciens de Paris qui perdirent leur monopole, ce qui permit la popularisation des siphons.
Pour répondre à la demande des cafetiers et des particuliers, le flaconnage va se développer et à partir de 1880 les siphons sont composés d'une carafe, d'un tube plongeur et d'une garniture métallique appelée tête, dans laquelle un ressort permet de maintenir la pression en condamnant l'ouverture de la soupape qui libère le liquide. Pour dégager cette soupape, il suffit d'appuyer sur le levier appelé bascule. L'eau gazeuse s'échappe alors par le robinet.
Compte tenu de la pression, les carafes devaient être robustes et étaient prévues pour résister à une pression de 20 atmosphères. Fabriquées en verre de Bohème, elles étaient importées en quantité de Tchécoslovaquie. Le plus souvent, les têtes étaient fabriquées en France et étaient en étain pour des questions sanitaires. Sur la carafe était généralement gravé le nom du limonadier. La plupart des gravures étaient réalisées par projection de sable qui donne un dessin lisse et peu marqué. Certaines étaient réalisées à l'acide fluorhydrique qui donne un dessin en relief.
Alors, absinthe gazeuse ?
Fin XIXe siècle, début XXe, l'engouement pour les siphons est énorme et l'on va gazéifier un peu tout. On va trouver du lait gazéifié, du chocolat mousseux. On met un coup de siphon dans tout apéritif et même le vin. En ce qui concerne l'absinthe, le siphon y est associé sur deux tableaux, celui de Gauguin en 1888 et celui de Picasso en 1901. Mais étaient-ils présents en tant qu'objet de café ou jouaient-ils un rôle dans la préparation de l'absinthe ?
De même, le siphon est présent sur quelques dessins de presse, rares il faut bien le dire. Alors, qu'en est-il ?
Cette question restée en suspens jusqu'à aujourd'hui est à présent résolue grâce à cette petite publicité de 1861. On notera au passage le message mensonger qui parle de "l'oxigénation de l'eau" alors que le principe du siphon est de libérer du gaz carbonique et non de l'oxygène !