Réponse à une question récurrente : Peux-t-on boire l'absinthe pure ?
L’eau, un complément indispensable.
L’absinthe a besoin d’eau pour développer complètement ses arômes et ses saveurs. Ceux-ci apparaissent graduellement, au fur et à mesure de la dilution, d’où l’importance d’aller lentement pour laisser le temps au breuvage d’exhaler le parfum propre à chacune des plantes composantes. Une fois exprimés, les différents arômes se conjuguent et la résultante aboutit à la caractéristique de la marque.
Avec une dilution appropriée, un palais un peu exercé pourra séparer et reconnaître les parfums de chacune des plantes. Une absinthe trop tassée est dominée par la saveur anisée qui masque les autres, plus subtiles.
L’eau va également développer la couleur de l’absinthe. Cette robe si belle qui va du jaune pâle, jaune vert, vert jaune, vert amande et toutes leurs nuances intermédiaires suivant la proportion des plantes entrant dans sa composition, n’existerait pas sans l’eau. Même les absinthes blanches s’irisent en d’innombrables variantes.
Ce passage quasi magique de liquide foncé mais translucide à un autre clair mais opaque est dû au fait que l’eau et les huiles essentielles des plantes ne se mélangent pas. Cela forme une émulsion qui se traduit par ce que l’on appelle le «louche».
"Ce qu'elle vous engueulerait ma femme si elle vous voyait faire mon absinthe aussi vite que ça !" Dessin de Sandy Hook, Le Petit Illustré Amusant, 1899. Paru dans l'Absinthe-Ses dessinateurs de presse, 2004.
Avec quoi verser l’eau?
Certaines carafes très astucieuses présentent un fond bombé côté interne. L'extérieur est recouvert d'un enduit blanchâtre, ce qui crée avec l'eau un effet loupe. On les appelle couramment des carafes-loupe.
Non publicitaires mais spécialement conçues pour l'absinthe, les carafes à bec. Leur goulot étroit permet une bonne préhension alors que le petit bec laisse couler un fin filet d'eau.
Pot à eau en grès de Betschdorf d'Alsace. Des variantes de ce pot ont été publiées dans L'Absinthe-Dictionnaire des marques, volume 3, 2007. © collection Delahaye.
Les fontaines à eau
Improprement appelées fontaines à absinthe, elles contiennent dans leur vase en verre, l'eau et la glace. Les petits robinets laissent couler l'eau doucement sur les sucres. Les fontaines sont de plusieurs sortes : à 1, 2, 4 ou 6 robinets .
Très décorative, la fontaine est l'objet convivial par excellence. Elle réunit les convives qui devisent gaiement tandis que leur absinthe se prépare. C'est ce rituel de l'absinthe qui est à l'origine du moment de l'apéritif tel qu'on le connaît aujourd'hui. Des rééditions de fontaines permettent de recréer cette ambiance ludique et conviviale.
Variantes sur la façon de verser l’eau
En 1878, Lucien Rigaud dans son « Dictionnaire d’Argot moderne, éd. Paul Ollendorf, Paris », propose différentes définitions suivant le geste effectué.
Battre l’absinthe : c’est laisser l’eau tomber de haut, doucement, avec conviction, tantôt au milieu, tantôt près des bords du verre.
Frapper son absinthe, Troubler son absinthe ou encore Étonner son absinthe : laisser tomber l’eau goutte à goutte.
Quant au poète Pelloquet, il avait l’habitude de Faire l’absinthe en parlant ! (c’est à dire postillonner !)
[ Voir le Dictionnaire du parfait absinthier dans mon livre L’Absinthe, Art et Histoire, éd. Trame Way, 1990 où sont proposées 105 définitions autour de l’absinthe].
"L'Absinthe idéale" par Léonce Burret. Le Rire, 1901 et "Absinthe de saison" par Félix Valloton. Le Cri de Paris, 1898.© Delahaye
"Merci bien ! c'est gentil de vous être mis en haut de la page pour fabriquer mon absinthe !". Dessin de Raoul Thomen, Journal pour Tous, 1903. Tous ces dessins ont été publiés dans "L'Absinthe-Ses dessinateurs de presse" éd. Musée de l'Absinthe, 2004.
Avec le retour de l'absinthe, la loi de prohibition du 16 mars 1915 ayant été abolie le 18 mai 2011, la fontaine est de retour. Reproductions de fontaines anciennes ou fontaines résolument contemporaines, toutes permettent de retrouver ces moments conviviaux autour de la préparation de l'absinthe.